Rapport de synthèse Etats Généraux de la Psychologie 13/03/2001
 

RAPPORT DE SYNTHESE SUR LA SITUATION DES PSYCHOLOGUES ET DE LA PSYCHOLOGIE


Exposé de synthèse: JF Camus
 
 

Préambule


Le présent document se veut un exposé réunissant en une rédaction unique une énorme quantité de contributions individuelles. Les auteurs de ces contributions ont été sollicités par le Comité d'Organisation des Etats Généraux de la Psychologie.
La gageure était de réunir ces éléments divers et parfois contradictoires en un exposé cohérent muni d'une certaine unité de ton et de style. Le comité d'organisation n'a pas souhaité construire ce rapport en mettant bout à bout chacune de ces contributions. Il voulait à ce titre éviter l'écueil du morcellement et de la fragmentation, marques encore tangibles de la jeunesse de la discipline et de la profession.
Mais cette volonté manifeste se devait aussi d'éviter l'écueil opposé, faisant du rapport l'expression d'une pensée unique, d'une vision oecuménique ou de la doctrine officielle des Etats Généraux de la Psychologie.
Ce document ne résume rien. Il coordonne sans les épuiser certaines des interrogations que les uns et les autres se posent.
Il est la photographie d'un questionnement. Il présente de nombreux points encore en débats et ne prétend pas trancher dans un sens ou dans un autre. Il expose avec ses mots la réalité d'une situation, d'une discipline et d'une profession. Il n'est contradictoire que dans la mesure où la réalité l'est aussi.

Mais la gageure a été tenue. Le document existe. La communauté des psychologues et de la discipline s'exprime d'une seule voix. Il est proposé comme contribution à une réflexion une discussion collective qui doit se poursuivre, s'élargir et aboutir cette fois à l'élaboration d'un véritable Livre Blanc.

Ce rapport est donc une amorce. Souhaitons que les Etats Généraux transforment cette étincelle en une flamme.
 
 
 

Historiques et fondateurs...


... les Premiers Etats Généraux de la Psychologie, initiés par 21 organisations de psychologues, se déroulent à la Maison de la Mutualité, les 23 et 24 mars 2001, sous le haut patronage de Ministre de l'Education Nationale et du Ministre de la Santé.
Temps fort de réflexion et d'expression, ces Etats Généraux sont un événement décisif pour une profession qui arrive à un tournant de son histoire.
La réflexion se centre sur la profession de psychologue et ses exigences déontologiques, sur les secteurs de son intervention, sur l'inscription sociale de son action.
Des questions d'actualité sont soulevées : L'inscription juridique de l'exercice professionnel, l'amélioration de la cohérence statutaire, la pratique de la psychothérapie, la formation initiale et continue des psychologues, l'évolution des pratiques psychologiques en rapport avec les besoins sociaux, l'harmonisation européenne.
Ce livre Blanc témoigne de la réalité de cette profession. Il en inscrit les difficultés, mais aussi les espoirs.
 
 
 

Plan

1 Psychologie et Psychologues

Un siècle de Psychologie.

Le respect de la dimension psychologique.

Un titre Légal depuis 1985.

Un Code de Déontologie rénové en 1996.

Protection du public, qualification et garantie des compétences.

2 Une cadre fragile pour une profession en mutation

Image brouillée

Non spécialistes

Faiblesse numérique

Dilution des compétences

Diplômes dérogatoires

Diversité des champs

Fragmentation associative

Harmonisation européenne et exception nationale.

3 Enjeux et questionnements

Echéance 2005

Europe

Quelles améliorations de la réglementation ?

Quelles formations ?

Quelle Organisation pour les psychologues ?


 
 
 
 
 
 
 
 
 

1 Psychologie et Psychologues

Un siècle de Psychologie.

Le respect de la dimension psychologique.

Un titre Légal depuis 1985.

Un Code de Déontologie rénové en 1996.

Protection du public, qualification et garantie des compétences.

 

Un siècle de Psychologie

Chaque individu, quel qu'il soit, dispose d'une dimension psychologique qui rend possible la pensée, la conscience, l'opinion, le langage, la mémoire, la perception et la conduite, mais aussi la personnalité, les  motivations et la dynamique de la vie affective et sentimentale. C'est encore elle qui fonde nos conduites et nos comportements, c'est elle enfin qui détermine nos choix, nos rêves et nos craintes.
Cette dimension déterminée par les caractéristiques biologiques de l'espèce et les influences sociales et culturelles qui nous environnent n'en constitue pas moins une réalité à part. Au delà des singularités
individuelles, cette dimension psychologique capitalise la richesse inaliénable de la personne humaine.
Cette dimension ne fonctionne pas sur le mode du chaos. Il y existe des déterminismes qui en rendent possible l'observation scientifique comme c'est toujours le cas avec le vivant. La Psychologie est cette discipline, tout à la fois science de la vie et science de l'homme. Depuis plus d'un siècle la psychologie s'est émancipée de la philosophie et de la biologie et nos connaissances dans de domaine se sont multipliées. Qu'il s'agisse du fonctionnement mental (partagé par tous), des dysfonctionnements pathologiques (partagés par certains) ou des spécificités individuelles qui font les différences entre les uns et les autres (non partagées) nos connaissances ont progressées et, par voie de conséquence, la pratique est de moins en moins approximative. De ce point de vue, il n'y a pas plusieurs psychologies, mais une seule, quelle que soit la diversité des ses espaces (laboratoires ou terrains), la diversité de ses méthodes (expérimentale, différentielle, clinique etc.) ou la diversité de ses interventions (enfants, adultes, personnes âgés, malades, salariés, consommateurs...
 

Le respect de cette dimension psychologique

L'intérêt porté à cette dimension psychologique prend une place de plus en plus importante dans la vie de tous les jours.
Des phénomènes aussi divers que la multiplication des rubriques " psy " dans les médias, l'intervention aux côtés d'autres professionnels des psychologues lors de catastrophes, l'émergence de " chartes " ou de "codes " visant à affirmer les droits imprescriptibles des personnes, la nécessité du respect de leurs opinions et de leurs choix, traduisent la percée impressionnante que la dimension psychologique réalise en ce début de 3ème millénaire.
Mais, simultanément l'isolement, l'exclusion et la misère traduisent l'effroyable mépris dans lequel la société tient la personne. Malveillance, maltraitance et violence se perpétuent. Les conditions humaines de la vie sociale deviennent de plus en plus âpres (emploi et logement précaire, endettement, santé menacée, éloignement de l'âge de la retraite, etc.). Il y a dans ces mécanismes complexes un ensemble de causes objectives au mal être, aux draines humains, à la souffrance mentale et à la détresse psychologique.
Dans ces conditions, l'exigence du respect de la personne humaine et de sa dimension psychologique devient une action s'inscrivant dans la droite ligne des Droits de l'Homme et du Citoyen dans laquelle les psychologues sont amenés à jouer un rôle majeur. Les psychologues se sont engagés résolument dans cette direction. Ils ont mis cette action au centre de leurs missions et de leurs exercices lors de la rénovation de code de déontologie de 1996.

Cependant, les enjeux sociaux et politiques de cet engagement, de même que les difficultés pour le mettre en oeuvre ne permettent pas que ce rôle soit pleinement reconnu aux psychologues. En dépit des trésors d'innovations dont ils sont capables, du bouillonnement foisonnant d'idées nouvelles qu'ils proposent, des trésors de patience qu'ils sont capables de déployer, en un mot de la richesse qu'ils constituent, leur spécificité n'est pas encore complètement affirmée. Les employeurs et les pouvoirs publics tergiversent, lambinent ou renâclent a identifier cette profession.

Cette situation ne peut plus se prolonger au regard des enjeux de société qui y sont liés.
 

Un titre Légal

La psychologie en tant que discipline a plus d'un siècle d'existence, la première Licence de Psychologie voit le jour en 1947 à la Sorbonne et le Titre de psychologue est protégé en France depuis 1985. La Loi définissant les conditions à remplir pour faire usage professionnel du titre de psychologue a en effet été promulguée en Juillet 1985.
Cette loi définit les conditions générales de qualification pour avoir le droit d'exercer cette profession.
Le titre de psychologue est unique, généralement' délivré par l'Université à la suite de 5 années d'études (DESS) incluant une licence et une maîtrise de psychologie, un travail de recherche et des stages pratiqués
  sur le terrain généralement sous la supervision d'un psychologue.
La Loi précise

" L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat " (article 44).

Le Décret du 23 Mars 1990, établit la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.
Les titulaires :

Comme nous le verrons, il existe des diplômes dérogatoires qui ne sont pas délivrés par les Universités et qui donnent quand même le titre de psychologue.

Le Décret du 28 Mars 1993 ajoute

Ce même Décret précise que les titulaires du diplôme d'état de psychologie scolaire ne peuvent faire usage du titre de psychologue qu'assorti du qualificatif " scolaire ".

On notera que la Loi précise explicitement la référence à l'Université. Les décrets élargissent ce cadre réglementaire et définissent ce qu'il est convenu d'appeler les diplômes dérogatoires.

La formation à l'Université est à la fois une formation théorique, méthodologique et pratique qui tire ses vertus des liens naturels qu'elle entretient, d'une part, avec la recherche scientifique, universitaire et fondamentale, et d'autre part, avec les terrains concrets d'exercice du métier. Cette formation souple et flexible s'enrichit continuellement des avancées internationales et nationales dans le domaine. Elle garantit une ouverture d'esprit et un sens critique au service d'un humanisme et d'un rationalisme à l'opposé des obscurantismes sectaires qui recourent à la suggestion voire à la directivité.

Mais, encore une fois, si le titre est légalisé, l'exercice de la psychologie par des non psychologues n'est pas sanctionné. Aucune disposition pénale n'est prévue en ce cas, moyennant quoi aucune instance ne peut être saisie en cas d'exercice illégal de la psychologie. De ce point de vue, l'exercice du titre n'est pas complètement protégé.

En résumé, l'objectif de cette loi est double : d'une part, elle apporte des garanties sérieuses aux personnes qui s'adressent aux psychologues et, d'autre part, elle clarifie les contours de la profession. Autrement dit, le public conserve le choix entre les psychologues qui offrent une garantie de qualification sérieuse en psychologie et d'autres personnes qui ne proposent que des prestations " psy ".
 

Déontologie : Un code profondément rénové en 1996

Ces garanties sont renforcées par l'existence d'un code de déontologie profondément rénové et adopté par les associations, organisations et syndicats de psychologues au printemps 1996. Trois associations (AEPU, SFP et ANOP) s'étaient regroupées en cette occasion pour élaborer cette nouvelle version. Le code est aujourd'hui adopté par plus de 21 organisations.
Cette rénovation a constitué un véritable tournant. Odile Bourguigon écrivait à ce propos " Nous changeons d'époque. La psychologie peut choisir d'accompagner ou non cette mutation. A la question du philosophe, les psychologues ont déjà apporté des réponses et continuent d'oeuvrer dans ce sens. L'affirmation et la reconnaissance dans la société de la dimension psychologique des êtres humains est un défi réel qu'il nous appartient de relever".
La large adoption de ce code rénové a constitué un événement dynamisant pour la profession. Elle consolidait l'engagement pris. Couplé avec la protection du titre, l'ensemble ouvrait des perspectives inespérées et la profession voyait enfin se profiler la réalité de changements concrets et majeurs. De nouvelles opportunités se trouvaient offertes. Des initiatives de grande ampleur devaient exploiter ces opportunités. La tenue des Etats Généraux prolonge cette dynamique.
Une fois adopté, il a paru indispensable de construire une commission nationale de déontologie qui puisse émettre des avis sur des dossiers qui étaient jusque là traités au sein de chaque organisation, afin qu'il n'y ait pas autant d'interprétations du code que d'associations existantes et que se constitue une sorte de jurisprudence interne.

La Commission Nationale Consultative de Déontologie (CNCDP) a été installée en Juin 1997 et émet des avis sur les dossiers qui lui sont transmis. Son rôle est purement consultatif et ses avis sont rendus sur la base des prescriptions du code. Les avis sont archivés et constituent progressivement un fonds documentaire à la disposition des associations. En trois ans la CNCDP a traité 99 dossiers.

La commission rend des avis sur la pratique du psychologue (secret professionnel, compétence, délivrance d'attestation, de témoignages ou de bilans, distinction des fonctions du psychologue, usage des tests).

Elle donne des réponses à des questions relevant de la Loi ou des règlements administratifs qui présentent des composantes déontologiques (conflits, propriétés des dossiers établis par les psychologues,  recrutement de personnes sans titre de psychologue pour en exercer la fonction).

Elle réfléchit au développement du code, notamment dans les secteurs où les premières rédactions demeuraient modestes (déontologie de la recherche, activité libérale ou encore pratiques psychothérapeutiques).

Elle recommande qu'un enseignement de la déontologie soit assuré en formation initiale dans les Universités.
 
 

Protection du public, qualification et garantie des compétences

Fondamentalement, la loi de 1985 est une loi visant à protéger le public. Avant elle n'importe qui pouvait s'autoproclamer psychologue. Le vide législatif laissait la porte ouverte aux charlatans, aux sectes, aux diseurs de bonne aventure, toujours prompts à abuser de la fragilité, de la détresse et de la crédulité des gens.
La situation s'est assainie avec la proclamation de cette loi. Dorénavant, le public est protégé si celui qui se présente comme psychologue répond à ces critères de formation. Il ne l'est pas autrement.
Le point clé de cette Loi est l'association entre un titre professionnel et un niveau de qualification défini par la hauteur et la nature des diplômes délivrés à l'Université. Cette qualification est collective et elle garantit les compétences individuelles qui en découlent.
Il faut noter toutefois que nombreux sont ceux qui gravitent dans la galaxie des " psy " sans disposer des qualités réglementaires qui définissent qui est psychologue et qui ne l'est pas. La formation du psychologue, que le Législateur a voulu longue, constitue en quelque sorte une garantie des compétences liées à un niveau élevé de qualification. Ces garanties apportées au public n'existent pas chez ceux qui ne possèdent pas ces diplômes.

Toutefois, en France, si le titre est légalisé (l985) la profession n'est pas réglementée de manière cohérente (décrets d'application paraissant depuis 1990) entre tous les champs et les secteurs qui emploient des psychologues.

Alors que le code de déontologie précise que le psychologue travaille en toute autonomie et en toute indépendance en demeurant maître des outils et des techniques qu'il utilise, dans de nombreux secteurs le psychologue est soumis à des contraintes de l'employeur qui parfois peuvent être incompatibles avec le respect de l'intimité due aux personnes. Des rapports et des bilans peuvent être utilisés à des fins contraires aux intérêts des personnes et ne pas respecter la déontologie professionnelle la plus élémentaire parfois même à l'insu des psychologues. N'a-t-on pas vu des jeunes diplômés se voir proposer des conditions de travail contraires aux dispositions de leur code de déontologie !

L'insuffisance et l'incohérence des réglementations de la profession est dangereuse. Elle ouvre la porte à un grand nombre de dérives. Notamment, la tentation est grande de tirer " vers le bas " la réglementation de la profession, c'est-à-dire, de ne définir les conditions professionnelles de son exercice que par la technicité de ses actes. Le psychologue est alors transformé en simple technicien en applicateur d'outils sans égards pour la personne considérée.
 
 
 
 
 
 
 
 

2 Une cadre fragile pour une profession en mutation

Image brouillée

Non spécialistes

Faiblesse numérique

Dilution des compétences

Diplômes dérogatoires

Diversité des champs

Fragmentation associative

Harmonisation européenne et exception nationale.

 

Image brouillée

Les psychologues font actuellement l'objet d'une demande massive et de plus en plus éclairée du public qui connaît de mieux en mieux ce qu'on peut attendre d'un psychologue.
Cette évolution est plus rapide que celle des pouvoirs publics.
La psychologie, en tant que discipline, ne parvient pas forcément à donner l'impression d'une unité. Du point de vue de l'enseignement et de la recherche, elle apparaît fragmentée en une grande variété de sous disciplines (psychologie expérimentale, sociale, clinique, pathologique, différentielle etc.) où chacune semble avoir en propre son histoire, ses objets et ses méthodes.
Les enseignants chercheurs de l'Université ne sont pas tous psychologues. Le psychologue qui exerce dans une entreprise les fonctions de " gestionnaire des ressources humaines ", l'ergonome qui travaille dans un centre de recherche pour améliorer un dispositif de sécurité, le clinicien qui travaille à l'hôpital pour explorer les troubles de la mémoire d'une personne âgée, celui qui s'efforce de prendre en charge une détresse profonde, celui qui intervient pour réduire les exclusions sociales, celui qui intervient dans la justice, à l'école ou dans un centre de protection maternelle et infantile ne semblent pas exercer le même métier.

Les DESS conduisant au titre pourtant unique sont nombreux. Ils sont éclatés en des spécialisations différentes. Ils comportent des intitulés qui sont parfois peu lisibles pour les employeurs. L'image donnée par cette mosaïque est loin de clarifier la situation.


En revanche, nombreux sont ceux qui sans en avoir le titre " font de la psychologie ". On entre dans un autre monde, la " galaxie psy ". Si le titre de psychologue est protégé, le mot " psy " ne l'est pas. Revues, rubriques et émissions " psy " fleurissent dans les médias. On a pu calculer qu'une proportion de 17% des rubriques des grands magazines féminins était consacrée à la " psy ". Les intervenants, les invités, les conseillers des ces rubriques sont rarement des psychologues, mais des " psy ", c'est-à-dire la plupart du temps des psychiatres (qui sont médecins) ou des psychanalystes (qui ne sont pas forcément des psychologues) ou des psychothérapeutes (qui ne sont pas toujours des psychologues). Il y a là une confusion des genres qui obscurcit un peu plus l'image de la psychologie et des psychologues.
 L'image ainsi offerte peut être même déformante et aboutir à des représentations ou des croyances qui sont à l'opposé de ce qu'est la psychologie et de ce que sont les psychologues. Par exemple, tous les enseignants sont frappés par la méconnaissance de la discipline qu'ont les étudiants de première année de psychologie. Ce qui est grave n'est pas la faiblesse de leurs savoirs, mais au contraire la persistance d'idées fausses mais bien arrêtées qu'ils vont devoir désapprendre pour acquérir une véritable formation.
De leur côté, les pouvoirs publics ne se hâtent pas pour harmoniser les cadres réglementaires de l'exercice professionnel des psychologues qu'ils emploient. Dans la Justice, la Santé, l'Education Nationale ou dans la fonction publique territoriale les psychologues ont des missions distinctes, des fonctions différentes, des statuts différents et des procédures de recrutement spécifiques.
 

Non spécialistes

Une des conséquences majeures de cette situation est la présence dans le champ professionnels de non spécialistes. C'est notamment le cas dans l'Education Nationale où le manque de psychologues scolaires conduit l'administration à recourir parfois et dans certains départements à des faisant-fonction qui ne disposent pas des qualifications requises.
Former un psychologue demande actuellement au minimum de 5 années et pour de nombreuses entreprises ou d'administrations la tentation est grande d'employer du personnel moins bien formé et moins coûteux et ne s'engageant pas à respecter le code de déontologie.
Certaines officines se sont spécialisées dans des formations psychotechniques brèves (une quinzaine de jours de formation à des prix défiants toute concurrence) permettant de disposer rapidement de testeurs, c'est-à-dire de techniciens habiles dans la passation d'un seul test.
Ces dispositifs sont dangereux. Ils remettent en cause la durée et le contenu des formations universitaires (notamment, l'émergence des licences professionnelles peut constituer un risque). Ils instituent une concurrence contraire aux intérêts du public. Le public perd en effet les garanties auxquelles il a droit lorsqu'il se trouve confronté à ce genre de situation.

Les tests ne sont pas seulement des outils. Ce sont des théories psychologiques matérialisées dans un instrument par ailleurs validé et étalonné. L'usage d'un test est indissociable de cette connaissance théorique et méthodologique qui en permet l'interprétation en pleine connaissance de ses limites. C'est la raison pour laquelle le psychologue muni de cette connaissance est le seul qui soit véritablement compétent pour effectuer le choix de l'instrument, des méthodes qui conviennent et proposer une évaluation conçue dans l'intérêt et le respect de la personne. C'est la raison pour laquelle il revendique à juste titre l'autonomie technique.

Il existe ainsi deux types de non spécialistes. D'une part, les psychologues " au rabais " formés en 2 ou 3 ans par on ne sait trop qui, murns d'un vernis théorique sommaire et éventuellement affûté dans une technique très compartimentée et, d'autre part, des professionnels formés pour un autre métier qui " font de la psychologie " parce que le flou attaché à la réglementation professionnelle de l'exercice ne permet pas une définition claire et reconnue par tous de ce qu'est un " acte psychologique " et de ce qui n'en est pas.

L'exercice de la psychothérapie illustre bien ces écueils. La relation psychothérapique est une fonction que seuls les spécialistes possédant un niveau théorique élevé (connaissances des psychopathologies, connaissances des indications associées aux diverses formes de psychothérapie, formations personnelles et supervisions qui autorisent la poursuite de traitement à haut risque) peuvent exercer. Ce niveau de compétence, donc de fiabilité pour les usagers suppose une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau. Des propositions novatrices doivent être faites dans cette direction.

Ce n'est pas le test qui définit le psychologue, ce n'est pas la fonction qui définit la qualification, mais l'inverse.

L'atteinte de cet objectif conduit à une clarification des situations, à une redistribution des responsabilités et globalement à un assainissement de la situation définissant de manière non ambiguë les statuts et rôles
de chacun, notamment, dans le champ de la santé, les statuts différents des psychologues, des paramédicaux et des médecins.
 

Faiblesse numérique

Face aux besoins grandissants de psychologues dans les sociétés modernes, le nombre de ceux-ci est ridiculement bas. Par exemple dans la fonction publique territoriale, on ne compte qu'un psychologue dans le territoire de Belfort; seuls quatre départements emploient 50 psychologues et plus. La Seine Saint Denis (champion toutes catégories) emploie 90 psychologues.
Dans le secteur de la neuropsychologie, certaines études épidémiologiques évaluent à 1 % de la population le nombre de patients souffrant d'une maladie dégénérative ou évolutive, ou encore de patients pouvant bénéficier d'une réadaptation après un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral. La non-reconnaissance de la profession de psychologue et de ses interventions spécifiques a pour conséquence de grandes inégalités pour les usagers en matière de santé publique et de prévention : les psychologues au sein des services hospitaliers publics sont peu nombreux, leurs consultations sont saturées et leur activité n!est pas comptabilisée comme telle ou est incorporée aux actes des médecins.
Dans l'Enseignement Catholique, la proportion est d'un psychologue pour environ 1 1 000 à 13 000 élèves avec des disparités importantes sur le territoire national, certaines régions étant totalement sous-équipées.
Le flux annuel des étudiants formés à l'Université munis du titre de psychologue est d'environ 2500. Il y a en moyenne 45000 étudiants de psychologie dans les Universités. Le taux d'échec est élevé. Les études sont longues. Il n'y a pas de raccourci pour devenir psychologue. Par ailleurs, la garantie d'emploi associée à la possession du titre n'est pas assurée. Bien souvent, les perspectives sont des vacations, des emplois partiels et des contrats à durée déterminée. Les recrutements sur emplois stables sont numériquement peu nombreux.

Paradoxalement, cette formation qui devrait être dissuasive pour les jeunes en formation initiale attire toujours un effectif stable en première année à l'Université.

Dans le pays, les organisations professionnelles estiment aux alentours de 30 000 le nombre de psychologues en France. Soit un psychologue pour 2000 habitants 1

La jeunesse de la profession ou son image brouillée ne suffisent pas à expliquer ces chiffres atterrants.

Plus fondamentalement, la société hésite à définir précisément le rôle social, les objectifs humains et les missions qui incombent aux psychologues. Moyennant quoi les statuts sont éclatés et l'harmonisation de la réglementation de la profession renvoyée à un futur lointain ou maintenue dans un flou exemplaire.

Par exemple, il est difficilement supportable dans cette situation que le nombre d'emplois de psychologues scolaires ne soit pas déterminé par une évaluation des besoins des enfants et des intervenants des écoles.
Il arrive même que des postes de psychologues soient supprimés au bénéfice de classe AIS (Adaptation, Intégration Scolaire).

Cette logique a d'autres effets pervers. Premièrement, les jeunes diplômés en formation initiale titulaires d'un diplôme spécialisé en psychologie se trouvent exclus de ces recrutements (réservés aux instituteurs).
Deuxièmement, lorsque les psychologues scolaires ne sont pas suffisamment nombreux, on peut faire appel à des faisant fonction non qualifiés. Finalement, le psychologue exerçant à l'école est maintenu dans l'institution scolaire de façon ambiguë et sans statut de psychologue.

L'ensemble de cette logique prive l'école d'une présence renforcée de psychologues, maintient des particularismes corporatistes dérogatoires, en un mot tourne le dos à une véritable entreprise de lutte contre l'échec scolaire, la violence, la maltraitance, etc...
 

Dilution des compétences

Ces situations floues, embrouillées contribuent à rendre les psychologues peu visibles et leurs compétences peu lisibles. Dans les secteurs où les psychologues sont amenés à conjuguer leur pratique avec d'autres professionnels, la frontière entre les attributions du psychologue et celles du non psychologue sont parfois difficiles à établir. Les compétences sont alors diluées.

Prenons un exemple. Celui de l'insertion professionnelle des personnes en difficultés assurée par les ASI (Appui Social Individualisé) dépendant de la DDASS. A-t-on besoin d'être psychologue pour exercer ce travail ? Les textes ne le prévoient nullement. Cependant, le psychologue y est bien apprécié compte tenu de ses compétences, mais son statut professionnel ne sera pas celui d'un psychologue. Il est engagé à ses risques et périls. Pour exercer dans ce secteur, il suffit de disposer d'une connaissance des problématiques sociales et de l'emploi, ce qui signifie qu'une personne munie d'une " fibre sociale " peut parfaitement, dans le cadre de la réglementation actuelle faire l'affaire. Comme on le voit, la situation est floue. Rien ne justifie que ce type d'intervention n'implique que des emplois de psychologues (les équipes pluridisciplinaires sont les bienvenues).
Par ailleurs, certains départements recommandent le recrutement exclusif de psychologues (c'est bien aussi). Mais dans tous les cas, le psychologue ne disposera ni d'un statut spécial reconnaissant dans le contrat d'embauche son titre de psychologue (important pour les références au code de déontologie), ni d'une rémunération spéciale. Le psychologue employé dans ces conditions partage avec d'autres la dénomination de "conseiller en insertion professionnelle " ou de " conseiller psycho-socio-familial ".

Le caractère exemplaire de cette illustration tient au fait qu'il n'y a pas, dans ce secteur, la manifestation d'une volonté explicite visant à bloquer le recrutement des psychologues, au contraire. Plus simplement, le psychologue ne tire aucun avantage statutaire de sa qualification dans l'exercice d'activités qu'ils partage avec des non psychologues. Les non psychologues exercent donc de manière indirecte une responsabilité psychologique et sont logés à la même enseigne que les psychologues.

Or ici, comme dans d'autres secteurs, l'intervention du psychologue est originale, unique et spécifique. La situation floue dépouille sa pratique de cette spécificité. Il est en quelque sorte dépossédé de sa compétence. Par exemple, les bilans, les rapports et les compte rendus que les psychologues sont amenés à produire sont parfois utilisés par d'autres à des fins différentes sans que leur auteur ne soit mentionné. Ils sont ainsi privés du bénéfice de leurs interventions.
En un mot, il existe un grand nombre de situations où ni la fonction, ni la qualification, ni la compétence ne sont reconnues.
 
 

Diplômes dérogatoires

Un autre élément important de fragilisation est constitué par le fait que plusieurs diplômes autres que ceux universitaires permettent d'avoir le titre de psychologue.
Il y a plusieurs manière d'accéder au titre.
La règle générale est la suivante : Diplôme d'Enseignement Supérieur Spécialisé (DESS) de psychologie, faisant suite à une Maîtrise de psychologie et à une Licence de psychologie. Ce diplôme est délivré par les Universités. Les Universités sont habilitées à délivrer ce diplôme par le Ministère de l'Education Nationale. Ce faisant, le Ministère garantit que la formation délivrée par l'Université répond aux exigences définies sur un plan national. Moyennant quoi, le diplôme délivré à Lille ne différé pas de celui délivré à Marseille. On remarque que le législateur ne se satisfait pas du diplôme terminal mais insiste sur la continuité de la formation en psychologie. En effet, si certains étudiants peuvent entrer en DESS sans disposer d'une formation de base en psychologie (Licence et Maîtrise), ce titre ne leur est pas accessible.
Les étudiants en DEA (Diplôme d'Etudes Approfondies) peuvent accéder au titre à condition d'effectuer un stage professionnel de 14 semaines. Cette disposition permet à de nombreux chercheurs et enseignants chercheurs de pouvoir disposer du titre. Cependant, cette voie d'accès ne permet pas aux étudiants de se présenter à de nombreux concours de la fonction publique (notamment hospitalière) dans la mesure où chacune de ces administrations fixe la liste des diplômes que les candidats doivent posséder pour être autorisés à concourir. Notamment, aucun DEA ne permet d'accéder aux concours de la Fonction Publique Hospitalière.

Il existe un diplôme d'état de psychologue scolaire. Ce diplôme est réservé aux instituteurs titulaires d'une licence de psychologie. La formation dure un ans. Les psychologues scolaires sont recrutés parmi les  instituteurs ou professeurs des écoles, justifiant d'une part, de l'obtention d'une licence de psychologie, et, d'autre part de 3 années de services effectifs d'enseignement dans une classe. Ils sont admis à suivre un cycle théorique de formation en psychologie d'un an dans un centre de formation rattaché à un IUFM, préparant le diplôme d'Etat de psychologie scolaire. Leur formation est de Bac + 3 + une année de stage de préparation du DEPS. Les étudiants stagiaires suivent à l'Université une formation spécifique qui doit être habilitée par le Ministère. Mais ce ne sont pas les Universités qui délivrent le diplôme. Elles sont seulement prestataires de service. A l'issue de cette formation, le Diplôme d'Etat de Psychologue Scolaire (DEPS) est obtenu. Les psychologues scolaires exercent principalement dans le primaire. Durant cette formation, le stagiaire est rémunéré (il ne perd pas sa qualité d'enseignant).

Dans le secondaire et le supérieur, il existe un diplôme d'état de conseiller d'orientation psychologue (DECOP). Les conseillers d'orientation psychologues sont recrutés parmi les candidats qui, ayant subi avec succès les épreuves d'un concours externe ou d'un concours interne, ont suivi, en qualité de conseiller d'orientation stagiaire, une formation de deux années sanctionné par le diplôme d'Etat de conseiller d'orientation-psychologue. Peuvent se présenter au concours les candidats justifiant de la licence de psychologie. La formation est réalisée dans des centres rattachés aux Universités (Paris, Lille, Rennes et Aix). La réussite au concours constitue un pré recrutement assurant une rémunération au stagiaire. La formation en deux ans comporte des enseignements fondamentaux en psychologie et dans des disciplines connexes, un mémoire de recherche et des stages. Le diplôme est obtenu a l'issue de la seconde année. Le conseiller d'orientation psychologue exerce notamment dans les établissement d'enseignement secondaire et dans les Universités.

Tous les psychologues en exercice qui ne disposaient pas des titres requis à la promulgation de la loi ont vu leur cas étudié par des commissions régionales d'habilitation 2 qui tenaient compte des diplômes possédés et de l'expérience acquises au cours de leurs années d'exercice professionnel. Ces commissions ont cessé aujourd'hui de fonctionner.

Il est enfin possible pour des ressortissants étrangers de disposer en France du titre de psychologue. Ces personnes ne disposent pas des diplômes français, mais une commission du Ministère de l'Education Nationale peut, en fonction de la nature des diplômes possédés, accorder le bénéfice du titre pour autant que soient respectés les critères qui prévalent ici. Cela est notamment vrai pour les ressortissant de la communauté européenne qui peuvent exercer en France à condition d'être reconnus comme psychologue professionnel dans leur pays d'origine.

Ces voies multiples d'accès au titre et ces diplômes dérogatoires, bien qu'étant légaux, ne répondant pas aux impératifs de cohérence dont la profession a besoin pour améliorer sa visibilité. Ils aboutissent à des particularismes qui accentuent le caractère brouillé que peut avoir l'image de la profession.
 

Diversité des champs

Les psychologues exercent partout, mais comme nous l'avons vu ils ne sont pas toujours reconnus comme tels et là où ils le sont des problèmes spécifiques peuvent surgir.
Historiquement, certains champs sont plus stabilisés que d'autres. Dans de nombreux secteurs, la place et le rôle spécifique des psychologues sont en émergence. Tous ont à gagner une reconnaissance sociale et juridique cohérente de leur profession. Il ne s'agit pas de normaliser les statuts et les métiers particuliers, mais de reconnaître une profession et d'harmoniser entre les différents champs d'exercice les droits et les devoirs des psychologues. Cette orientation réduirait les inégalités entre les statuts hétérogènes, offrirait une base solide de défense de la profession, définirait les règles communes de son exercice et constituerait un socle à partir duquel se construiraient les statuts spécifiques de chaque métier présent et avenir. Pour l'essentiel, cette reconnaissance doit, s'appuyer sur le code de déontologie largement approuvé en 1996 par la profession.
Compte tenu de l'émergence grandissante de la psychologie dans tous les secteurs de la vie, il est impossible de dresser une liste exhaustive de tous les services qui emploient directement ou indirectement des psychologues.
Ces commissions étaient composées de représentants des syndicats professionnels, d'enseignants de psychologie des Universités, des représentants des DASS, des rectorats et de l'inspection Académique.

Cependant, il est possible de repérer des grands " champs " ou secteurs d'exercice pour simplifier la présentation. Mais ces regroupements ne doivent pas faire illusion. Les fonctions, les exercices et les interventions différent considérablement à l'intérieur d'un même champ. La reconnaissance du psychologue et la considération qu'on lui accorde changent d'un service à l'autre.

Deux écueils menacent la présentation par champ. Le premier consiste à multiplier les documents traduisant une diversité d'expériences et de vécus, moyennant quoi l'unité du propos risque de se diluer dans une diversité brouillonne contribuant obscurcir un peu plus une image qu'on voulait clarifier. Le second consiste à ne présenter que ce qu'il peut y avoir de commun entre chaque expérience, on aboutit alors à une sorte de "représentation moyenne " souvent artificielle qui non seulement mutile une réalité concrète fort riche et diversifiée, mais encore propose une image qui n'existe nulle part.

L'attitude adoptée consiste à s'efforcer de construire une sorte de synthèse de déterminations multiples qui aboutit à une image contrastée, parfois conflictuelle voire contradictoire de la profession. L'avantage de cette orientation repose sur le refus de masquer la contradiction et parie sur la maturité de la profession pour pouvoir la surmonter.
 

Dans la Santé

La DGS (Direction Générale de la Santé) estime à 36000 le nombre total de psychologues en France (chiffre provenant probablement de l'ANOP) et à 4000 le nombre de psychologues exerçant dans le secteur psychiatrique (dont un nombre non négligeable à temps partiel). Mais elle ne connaît pas (ou ne diffuse pas) le nombre de psychologues travaillant dans l'ensemble du milieu hospitalier ni en libéral.

Leur statut est précisé en 1991 dans le décret portant le statut particulier des psychologues de la Fonction Publique Hospitalière par la définition de la mission instaurant l'autonomie professionnelle, le choix des méthodes et des référents théoriques.

Ce statut comporte une définition légale de l'exercice professionnel qui sert de référence à la définition des missions du psychologue dans la Fonction Publique Hospitalière, Territoriale et dans la Protection Judiciaire de la Jeunesse

"Le psychologues étudient et traitent... les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie de la personnalité. Ils contribuent à la détermination, à l'indication et à la réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan
 individuel qu'institutionnel" (Article 2).

Ce décret constitue la trame d'exercice retenue pour le psychologues des deux autres Fonctions Publiques. Leur recrutement est effectué à l'issue d'un concours régional et seuls les étudiants possédant un DESS appartenant à l'un des champs défini par le Ministère de la Santé (clinique, pathologie, enfant, gérontologie, formation de formateurs) peuvent y présenter leur candidature.

En phase avec les attentes du public et les demandes des équipes, les psychologues sont amenés à diversifier leurs prestations cliniques et institutionnelles, aussi bien en intra qu'en extra-hospitalier mais aussi, depuis peu, dans les réseaux qui se mettent en place entre la cité et le dispositif de santé.

Les psychologues interviennent donc dans tous types de structures : services hospitaliers, hôpitaux de jour, consultations externes, centres d'accueil à temps partiel, appartements thérapeutiques, ... mais aussi, de plus en plus, dans les comités de pilotage, les groupes de travail transversal en interne ou avec des partenaires extérieurs.

Seuls professionnels des sciences humaines à s'être engagés dans les établissements de soins pour être au plus près des patients, les psychologues sont devenus des acteurs spécifiques, identifiés sans ambiguïté par le public. Pour prendre en compte cette nouvelle attente, l'administration centrale se doit de reconsidérer fondamentalement le positionnement de la psychologie et des psychologues dans le dispositif de santé.

Si le statut prévoit une large autonomie des psychologues par rapport à l'autorité médicale, dans les faits et les pratiques son application est loin d'être satisfaisante.

D'un côté, il existe une demande accrue des usagers ainsi que des équipes à l'adresse des psychologues (augmentation de recrutement en CDD, de quelques heures à un quart temps voir un mi-temps ... ). Mais, de l'autre, de nombreux obstacles sont dressés à la pérennisation des emplois (séparation de postes temps plein en deux mi-temps CDD, difficulté à faire appliquer les procédures réglementaires de recrutement, refus de nommer les candidats reçus au concours, refus des mutations ... ).

 Sans cesse la réglementation, quand elle est cohérente (procédure de recrutement) est détournée et s'appuie sur ses incohérences (profil de poste trop détaillé, critères non communiqués et arbitraires de sélection, jury non paritaire c'est-à-dire moitié psychologues, moitié non - psychologues, organisation aléatoire des concours). Cet état de fait entraîne un manque de lisibilité sociale et des variations de traitement dans la profession (contractuels sur des emplois permanente rémunérés tout au long de la carrière comme débutants, il existe autant de contrats que de directeurs voire que de psychologues, deux grilles de salaires que rien ne justifie ... ).

Et pourtant, l'intervention des psychologues, sur la durée, est facteur d'économie au triple sens d'un rétablissement plus rapide, d'une réduction des rechutes et d'une consommation moindre des médicaments. Elle ne permet pas seulement d'accroître la santé globale des personnes mais aussi de réduire l'utilisation qu'elles font des services médicaux.
 

Dans l'Education Nationale

Dans l'Education Nationale, on compte 3250 postes de psychologues scolaires dans le premier degré dont 20% au moins sont vacants, et 4500 conseillers d'orientation psychologues et Directeurs de CIO dans le second degré dont près de 20% sont vacants. Les psychologues scolaires conservent leur statut d'enseignant. Les conseillers d'orientation psychologues disposent d'un statut qui leur est propre. Tous revendiquent une définition de leur mission permettant de favoriser et de mieux garantir la prise en compte de la réalité psychologique afin de promouvoir l'autonomie et le développement de la personnalité. Cette mission s'inscrirait dans le
cadre de la mise en oeuvre des conditions de la réussite, pour tous les jeunes notamment en apportant une attention particulière à la prévention, au suivi, à l'accompagnement ainsi qu'à l'intégration scolaire et sociale des enfants et adolescents handicapés.
Faute de moyens financiers, les besoins en psychologie ne sont pas pris en compte, alors que les demandes des parents, des jeunes eux-mêmes et des équipes d'enseignants sont de plus en plus nombreuses dans ce domaine. La fonction et la place du psychologue à l'école est globalement reconnue par l'ensemble de ses partenaires. Mais dès qu'il s'agit de développer les services et le nombre de postes de psychologues, la question financière est mise en avant par les décideurs et demeure un des obstacles majeurs.
Cet état de fait entraîne des dérives professionnelles réelles. Faute de psychologues, le travail d'écoute auprès des jeunes peut être confié par certains responsables institutionnels à des bénévoles, pas ou peu formés à ce travail, et qui ne s'en tiennent pas aux règles déontologiques de la profession.

Mais, au delà des questions financières, la question de la lisibilité du psychologue à l'école se pose.
 

Dans le monde du travail

Le monde du travail est largement ouvert à la psychologie : sélection, orientation, évaluation, recrutement, formation, bilan professionnel et de compétences, gestion de carrières, ergonomie, audit social, conseil en organisation, définition de postes etc. Ce ne sont pas les psychologues qui ont inventé ces besoins mais si le "marché" s'intéresse aux apports de la psychologie, il fait peu de place aux psychologues.
A observer les annonces d'emploi et les intitulés de postes , l'on peut constater que dans la fonction "ressources humaines" les cursus en psychologie sont appréciés . Cependant, rares sont les entreprises et organismes qui intègrent des psychologues en tant que tels : la formation en psychologie resterait un ingrédient appréciable sans toutefois correspondre à une fonction reconnue.
Dans ce champ aussi, le psychologue se heurte à des hiérarchies puissantes. La double allégeance à l'organisation qui l'emploie et à l'individu dont il est l'interlocuteur conduit le psychologue à de nombreux dilemmes dans une entreprise. A titre d'exemple, un bilan non protégé par un dispositif légal devient une épreuve de force pour servir l'individu sans cautionner les intentions d'une direction. Ainsi, un bilan professionnel peut aisément justifier un licenciement si l'on n'est pas suffisamment rigoureux.
L'identité et l'identification du psychologue gagneraient à s'affranchir des titres allusifs de consultant, conseiller, formateur ou autres épithètes édulcorantes. Le fait de se retrouver psychologue " de quelque chose " ou " en quelque chose " c'est déjà être un peu moins psychologue et un peu plus quelque chose. Il revient donc au psychologue de décliner ses identités et objet professionnels, de produire la lisibilité de son intervention auprès des publics et des proscripteurs.
 

Dans la Justice

Le Ministère de la Justice emploie aussi des psychologues. Ainsi depuis de très nombreuses années, la direction de l'Administration Pénitentiaire fait appel à des psychologues comme cadres consultants en tant qu'aide à la réflexion, à l'analyse, à la conceptualisation au sujet des situations individuelles dans le public concerné; en tant que cliniciens pour offrir un soutien psychologique auprès des personnels; en tant que formateurs ou encore participants au recrutement des personnels ; autant de missions où responsabilité et conception du travail dans des registres professionnels diversifiés vont de soi.
Cependant, ils restent rémunérés sur des vacations au plus haut niveau à 67,95F brut!!! ou sur des contrats disparates à peine plus enviables. Cette volonté de ne pas vouloir constituer jusqu'à ce jour un corps de psychologues titulaires comme il en existe pourtant dans une autre direction du même Ministère de la Justice, aboutit à maintenir les psychologues dans un statut fragile comme auxiliaires sous payés qui ne peuvent se permettre de questionner l'institution et sont facilement éjectables.
La Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse emploie aussi des psychologues. Appelée Education surveillée jusqu'en 1990, elle est issue de l'après-guerre avec comme fondement l'ordonnance de 1945 concernant l'enfance délinquante et qui inscrit le droit à l'éducatif; puis l'ordonnance de 58 concernant l'enfance en danger modifiée par la loi, de 70 sur l'assistance éducative. Le pari, face à ces enfants, ces adolescents, adultes en devenir, est d'oeuvrer à l'éducation de ces mineurs puis, plus récemment, de ces jeunes majeurs en articulant la nécessaire prise en compte des limites posées par la société dans le cadre de délits, voire de crimes, et des sanctions qui en découlent, avec un autre impératif qui est celui de la prise en compte d'un sujet unique qui se construit et qui va devoir poursuivre son chemin avec ce qu'il a vécu et fait vivre à d'autres.
Depuis 1981, un corps de psychologues titulaires a été créé et après dix années de blocage, un recrutement a minima a enfin repris. Ses missions s'exercent dans des lieux différents (milieu ouvert, hébergements) et son travail sous des formes variées s'inscrit toujours auprès de mineurs et jeunes majeurs en danger et/ou délinquants. Le travail avec les familles est pris en compte en articulation avec les équipes éducatives et les partenaires extérieurs

La réelle prise en compte de la dimension psychologique et sa mise au travail dans l'institution est une mise en tension et entre parfois en contradiction avec des commandes administratives, elles-mêmes prises sous des pressions socio-judiciaires où le politique peut interférer, surtout lorsqu'il s'agit de mineurs délinquants. La peur, l'illusion du recours au tout répressif, à l'enfermement, font alors retour avec un temps qui s'accélère à tous niveaux.
 

Dans la fonction publique territoriale

La fonction publique territoriale emploie de nombreux psychologues. De façon aiguë, les collectivités sont confrontées à la détresse humaine. Les personnes s'adressant aux services sociaux du secteur public voient la situation se dégrader d'année en année et les collectivités investissent de plus en plus de moyens - financiers, structurels, logistiques - pour tenter de répondre aux effets grandissants de la "fracture sociale" et de l'exclusion : violence et délinquance dans les cités, ruptures familiales, parentalités défaillantes, augmentation des conduites addictives, effets psychologiques et humains du chômage, dépression, suicide...
Dotés d'un statut particulier depuis 1992, les psychologues territoriaux ont une situation moins avantageuse que leurs homologues hospitaliers (moins de primes, carrière plus longue), mais ils bénéficient d'une relative autonomie professionnelle (pas de notation administrative) et surtout d'une exonération de toute tutelle médicale (sauf pour les collègues travaillant en P.M.I.), ce qui facilite leur repérage par les autres  professionnels.
La prise en compte du temps d'évaluation, d'information et de recherche (dit "temps F.I.R.") - en dépit de circulaires incitatives qui restent trop souvent inappliquées - est insuffisante.
Mais ici aussi, les dérives médico-sociales visant à élargir l'emprise médicale sur de larges pans du domaine social obscurcissent la spécificité de l'action du psychologue. Celle-ci est noyée dans l'ensemble des actions médico-sociales et son identification devient moins lisible.

Dans ce champ, les interventions deviennent extrêmement diversifiées et le statut hérité de celui de la Fonction Publique Hospitalière qui constituait un atout dans la composante " médico " de la profession tend à devenir un obstacle dès lors que l'évolution de cette profession s'adjoint d'une forte composante médico-sociale ". Pour faire face à l'émergence des besoins nouveaux dans les domaines de l'interculturel, du vieillissement social, des pratiques de médiation, du sport, du tourisme, des technologies nouvelles, etc., il semble nécessaire d'élargir les compétences en psychologie et de diversifier les contenus des formations permettant d'accéder aux concours de cette fonction publique.
 

Dans les conventions collectives

Un grand nombre de psychologues exercent dans le secteur semi-public, privé ou notamment associatif et sont le plus souvent à temps partiel de ce fait isolés, disséminés et dépendent souvent d'employeurs multiples.
Ils exercent dans des domaines variés Pour garantir la qualité de l'action des psychologues auprès de ces personnes, il est essentiel que dans ce secteur :

Dans le secteur libéral

Les psychologues libéraux ne sont pas plus visibles que les autres. Souvent considérés par l'URSAAF comme " auxiliaires médicaux ", ils ne peuvent prétendre au remboursement de leurs interventions, alors même qu'un nombre croissant de Mutuelles acceptent dans certaines conditions de rembourser tout ou partie du coût des actes psychologiques. Les expertises judiciaires qu'ils pratiquent sont peu rémunératrices (même si un décret récent en a revalorisé l'indemnisation, les psychologues qui la pratiquent paient 52% de charges fiscales, contrairement aux psychologues fonctionnaires qui en sont exonérés), d'autant plus que certains médecins reconnus comme experts pratiquent aussi ces expertises psychologiques.
 
 

Fragmentation des associations

Pour se défendre, faire prévaloir leur droits, améliorer leurs conditions de travail, se faire connaître et reconnaître, les psychologues se sont dotés d'organisations, se sont groupés en associations, ont construit des syndicats indépendants ou ont intégré les grandes confédérations.
Historiquement, la première association, la Société Française de Psychologie est une société savante. Elle regroupe des chercheurs en psychologie et dans les disciplines connexes (qui ne sont pas nécessairement psychologues) et promeut la recherche par l'organisation de colloques scientifiques et de publications reconnues (" Psychologie Française "). La SFP fut la première association à promouvoir un code de déontologie (1961) montrant par là l'intérêt qu'elle portait aux problèmes de la profession. Depuis 1991, elle dispose en plus d'un département professionnel qui rassemble les praticiens et d'un département qui regroupe les
organisations.
L'AEPU est une association regroupant les enseignants - chercheurs de psychologie des Universités. Les objectifs de cette association visent la défense et le développement des études de psychologie. Ici encore, notons que ces personnels ont un statut d'enseignant chercheur et ne sont pas nécessairement psychologues.
Dans tous les champs évoqués plus haut, existent des associations, syndicats et organisations comme en témoigne la liste de ceux qui soutiennent les EGP : AAEPP (Association des anciens diplômés de l'Ecole des Praticiens) ; ACOF (Association des Conseillers d'Orientation-Psychologues de France), AEPU, AFPPC (Association Française des Psychologues Cliniciens Psychanalystes), AFPS (Association Française des Psychologues Scolaires), ANPEC (Association Nationale des Psychologues de l'Enseignement Catholique), Association des Psychologues d'Eure et Loir, ARP (Association Régionale des Psychologues de l'Adour), Collège des Psychologues Territoriaux des Bouches du Rhône, CPCN (Collège des Psychologues Cliniciens Spécialisés en Neuropsychologie), CORHOM EUROPSY-T France ( Association Européenne de Psychologie Appliquée aux Transports France), PSY.CLLHOS (Association des psychologues Cliniciens Hospitaliers de l'Assistance Publique Hôpitaux Parisiens), PSYLIE, SFP, SNES, SNP (Syndicat National des Psychologues dont la vocation est de regrouper tous les psychologues, quel que soit leur champ d'exercice), SPEN (Syndicat des Psychologues de l'Education Nationale), SPPN (Syndicat des Psychologues de la Police Nationale).

Il existe également des regroupements de psychologues dans les régions.

Si bien qu'en 1996 on avait dénombré 234 associations de psychologues, une réalité qui fait obstacle à une représentation cohérente de la profession. Il existe parfois, dans le même champ, deux associations aux actions convergentes mais dont les sensibilités différent et dont on pourrait améliorer la synergie.

Ce morcellement est un véritable handicap pour la profession. Les pouvoirs publics ne disposent pas d'un interlocuteur unique, les associations européennes et internationales de psychologues ne savent pas avec qui dialoguer. La profession entretient des relations privilégiée avec la FEAP (Fédération Européenne des Associations de Psychologues) et la recherche entretient des relations privilégiées avec l'IUPS. Cette situation n'est pas satisfaisante et compromet les chances de clarifier l'image de la discipline et de la profession.

Cependant, toutes ces associations ont su travailler ensemble pour le bien commun dans de grandes occasions. L'Association Nationale des Organisations de Psychologues (ANOP) a vu le jour au cours des grands combats aboutissant à la loi de 1985 et aux décrets d'application des années 1990 et 1991. LIAEPU, l'ANOP et la SFP sont aussi à l'origine de la refonte du code de déontologie. Aujourd'hui, 21 associations se retrouvent dans la CIR (Commission Inter organisationnelle Représentative) chargée de coordonner la réflexion et l'action entre les diverses associations. La CIR est à l'origine de la tenue des Etats Généraux de la Psychologie.

Certaines organisations ont décidé de fusionner. Le Syndicat des Psychologues de L'Education Nationale (SPEN), après avoir rejoint le SNP vient de se dissoudre (Octobre 2000).
 

Harmonisation européenne et exception nationale.

Le projet d'harmonisation européenne des études de psychologie et de formation des psychologues est à mi-parcours (Projet Léonardo). Le groupe de travail constitué de plusieurs représentant des divers pays de lacommunauté s'est réuni récemment à Londres et on peut dresser un premier bilan de son activité.

Plusieurs problèmes sont à l'ordre du jour, notamment celui de la durée des études. Si les Italiens se battent contre la création d'une sortie à 3 ans qualifiant de sortes " d'assistants psychologues " (ce qui rappelle aux Français les projets ministériels de licences professionnelles), les Néerlandais veulent sortir de leur formation en 4 ans (comme les psychologues scolaires Français) et les Britanniques campent sur la position défensive de la British Psychological Society (BPS) : hors de nos 6 ans pas de salut et les continentaux qui ne satisfont pas nos critères ne peuvent pas exercer au Royaume-Uni.

Le problème de l'articulation entre universitaires et professionnels dans la délivrance du titre constitue une autre question brûlante : la France est à peu près le seul pays dans lequel l'autorisation d'exercer comme psychologue (en France, le titre de psychologue) correspond à un diplôme. Ce qui signifie que l'instance qui décide qui est psychologue et qui ne l'est pas est de droit le Ministère de l'Éducation Nationale et de fait les Universités et, plus précisément les jurys de DESS ou de DEA. Dans de nombreux pays, la profession intervient sous une forme ou sous une autre dans cette décision. Le système le plus opposé aux français est sans doute celui du Royaume-Uni, puisque la BPS impose aux Universités ses vues sur le cursus et habilite les psychologues. Dans plusieurs pays européens, on voit pointer le système d'un Ordre des Psychologues (que cette appellation soit utilisée ou non), système unanimement dénoncé par les organisations françaises de psychologues. Entre ce dernier système et le système français qui exclut l'intervention de la profession, il faudra trouver un compromis.

Cette exception française pénalisait jusqu'ici les étudiants français souhaitant exercer dans la communauté européenne : l'usage professionnel garanti en France risque de ne plus l'être hors des frontières dans les pays où la profession est régie par un " Ordre " ou son équivalent. Faute d'harmonisation, l'exercice devient ipso facto soumis aux procédures de certification décidées par l'Organisation professionnelle du pays concerné. On peut espérer que la mise en conformité la Loi de 1985 sur l'usage du Titre de Psychologue avec la Directive Européenne de 1989 qui sera prochainement examinée au parlement corrigera un certain nombre d'effets gênants pour la circulation des psychologues en Europe (cette directive prévoit des modalités de rattrapage complémentaire en cas de distorsion entre les formations).

De plus, cette exception française exclue institutionnellement les professionnels de la délivrance du titre. Cette situation prive les universitaires de compétences précieuses et originales et les professionnels du légitime regard sur la formation et les qualifications des étudiants avec qui ils seront amenés à travailler. La nécessité d'associer plus directement et de façon institutionnelle les professionnels à la délivrance du diplôme et donc du titre vient aussi du fait que les enseignants chercheurs en psychologie ne sont pas nécessairement des psychologues, alors qu'ils ont la responsabilité de former des psychologues. Il faut parvenir à concilier le maintien de la délivrance du titre par l'institution universitaire tout en associant plus étroitement les praticiens à cette opération.

Il faut renforcer la présence institutionnelle es qualité des psychologues professionnels dans les équipes universitaires chargées des formations et de la délivrance du titre. Ces dispositions élargissent les propositions du renforcement des responsabilités et des prérogatives des maîtres de stages qui pourraient être définies dans un cadre rénové du " contrat de stage " passé entre professionnel, universitaire et étudiant.

Par ailleurs, il faut rappeler que la " bi appartenance " n'existe pas en psychologie. Un praticien disposant d'un statut de psychologue dans une fonction publique et recruté à l'Université doit démissionner de son terrain d'exercice. La bi appartenance correspond à un statut particulier reconnu aux enseignants-chercheurs-médecins qui peuvent exercer à la fois une activité à l'Université et poursuivre une activité hospitalière. Alors que l'Université exige une expérience clinique pour recruter certains enseignants chercheurs et recourt largement aux professionnels pour intervenir dans la formation, la situation de mono appartenance réduit considérablement l'enrichissement des apports mutuels qui existent entre l'Université et les terrains professionnels. Des pistes originales (par exemple, un statut d'enseignant-chercheur-praticien) doivent être explorées pour améliorer cette situation.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

3 Enjeux et questionnements

L'échéance 2005

L'Europe

Quelles améliorations de la réglementation ?

Quelles formations ?

Quelle Organisation pour les psychologues ?

 

L'échéance 2005

En 2005, comme dans beaucoup d'autres secteurs, la génération des 30 glorieuses va partir à la retraite. Les psychologues n'échapperont pas à ce mouvement et, étant déjà en situation de faiblesse numérique, leur remplacement risque de poser d'insurmontables problèmes. L'accroissement de la demande du public, combinée à l'ampleur de ces départs peuvent conduire à l'adoption de solutions périlleuses. Les mouvements déjà décrits précédemment risquent de s'amplifier, d'une part, par leur remplacement par des " psychotechniciens ", directement opérationnels, rapidement formés à moindre coût (instrumentalisation et précarisation) et, d'autre part, par l'élargissement de l'aptitude exercer la psychologie qui serait accordée à des non psychologues (dilution des compétences).
La précarisation et la déréglementation sont déjà à l'oeuvre, et plusieurs exemples ont été rapportés. De nombreux emplois potentiels sont maintenus en friche par la multiplication des vacations, ou par l'utilisation récurrente de stagiaires renouvelés chaque année qui ne coûtent rien.
Le maintien d'un fort volant de non titulaires et de candidats prêts à tout présentent pour l'employeur l'énorme avantage d'exercer une pression à l'embauche concernant à la fois la définition du poste de travail, le non respect du code, l'absence de garantie du statut et le nivellement par le bas des niveaux de rémunération (" c'est comme çà, ou sinon je prend le suivant dans la file d'attente ! ").
De plus, les actuelles orientations politiques budgétaires généralisant les restrictions et imposant des économies aggravent le contexte de cette échéance.

Ce qui signifie que dans ce contexte difficile, les psychologues sont particulièrement vulnérables. Là où les statuts existent, ils sont hétérogènes, lorsque les missions sont précisées elles différent d'un ministère à l'autre ; la nature des interventions et des pratiques est peu lisible d'un champ à l'autre, en bref l'absence de reconnaissance de la profession aggrave une situation qui s'annonce d'ores et déjà comme périlleuse

Deux choix sont possibles. Le premier est celui qui conduit à l'instrumentalisation c'est-à-dire à la paramédicalisation, à la définition du psychologue du premier degré comme n'étant qu'un instituteur spécialisé ou celle du psychologue dans l'entreprise comme un ingénieur. Le psychologue est alors défini par ses actes, sa pratique et ses interventions et non par sa qualification. La formation peut être courte et pas nécessairement universitaire. Le titre devient dissocié du diplôme. L'étudiant de psychologie continue à être celui dont la formation coûte le moins cher et qui consomme le moins de surface dans les bâtiments universitaires.

C'est évidemment la logique inverse qu'il faut faire prévaloir. Il faut défendre les qualifications (niveau et diplômes) qui seules garantissent les compétences et articuler l'inscription juridique de la profession sur ce principe de qualification et non sur celui de la description des actes. C'est ce principe de qualification qui offre une garantie de compétences pour les usagers.

Certains suggèrent l'exploration de pistes statutaires analogues à celles des dentistes qui ne sont pas nécessairement médecins. Les psychologues de la Santé deviendraient alors classés dans les professions médicales. La formation impliquerait un concours d'entrée (avec application d'un numerus clausus) et exigerait un sceau d'une faculté de médecine après avis de l'Académie de Médecine et de l'Ordre des médecins. Un corps des psychologues de la Santé (reprise du projet de Simone Veil de 1975) verrait alors le jour et serait juxtaposé aux autres psychologues poursuivant leur formation dans les filières Lettres et Sciences Humaines.
On aboutirait ainsi à deux professions, deux formations incompatibles avec le titre unique et la formation unique sur laquelle nous nous appuyons aujourd'hui. Cette orientation ne saurait être retenue
 

L'Europe

L'Europe constitue un deuxième enjeu de poids dans la période à venir. Plusieurs niveaux peuvent y être distingués.
La définition d'un cadre européen pour la formation des psychologues ouvre sur la perspective d'une libre circulation des psychologues et sur l'absence d'obstacles à l'exercice professionnel dans les pays de la communauté (mobilité). L'accord semble se faire sur une durée de formation en 6 ans, comprenant une formation de base fondamentale avec une initiation substantielle à la recherche et aux applications de la psychologie et une période de pratique supervisée ou en internat.
La nature de la coordination européenne des organisations de psychologues et des organisations de la recherche n'est pas encore résolue.

La définition des standards de formation se décline sous une double forme : le contenu et la durée de la formation. En ce qui concerne la durée des études, il convient de distinguer la durée des études conduisant à l'obtention d'un diplôme et la durée de la période post diplôme conduisant au titre. En France, ces deux durées sont confondues (puisque les diplômes donnent le titre), mais ce n'est pas le cas général dans la communauté où le titre est délivré après validation d'un stage pratique effectué sous la responsabilité des organisations professionnelles.

Les enjeux y sont d'importance. Comme les formations actuelles ne sont pas homogénéisées entre les différents pays comment effectuer cette homogénéisation ?

Peut-on imposer à la France une formation en 6 ans qui tout en pérennisant l'organisation actuelle renverrait la délivrance du titre après une sixième année gérée par les professionnels, ce qui priverait l'Université de ses compétences en matière de délivrance du titre ? Doit-on s'engager dans une restructuration sur deux ans des DESS ce qui s'harmoniserait avec le cadre européen, mais qui s'éloignerait d'autres standards articulant les formations sur le rythme 3, 5 ou 8 ans ?

De nombreuses entreprises, embauchant sur des niveaux de formation à Bac +5, ne trouveraient aucun intérêt à recruter des psychologues formés à Bac +6.

Comment résoudre l'articulation Université et monde professionnel ? La formation universitaire actuelle fait appel à de nombreux professionnels (notamment dans les DESS), mais ceux-ci ne disposent pas d'un véritable pouvoir institutionnel dans la délivrance du diplôme. Les maîtres de stages qui ont en charge une partie importante de la formation (le stage professionnel) se considèrent souvent comme exclus des opérations d'évaluation et ont l'impression de ne jouer aucun rôle dans la délivrance du titre.

Le maintien de la situation actuelle ne semble pas une solution avantageuse notamment, pour les étudiants qui parvenant au titre en 5 ans se trouveraient moins qualifiés que leurs homologues européens formés en 6 ans et donc en concurrence défavorable pour l'emploi.

Il faut donc parvenir, qu'on le veuille ou non à des solutions originales préservant l'intérêt des professionnels, des étudiants et des Universités. Une solution possible suggérée par plusieurs associations consiste à restructurer les DESS sur deux ans, à maintenir l'association entre la délivrance du titre et le diplôme universitaire et à associer de manière originale et institutionnelle les professionnels à la délivrance du diplôme.

Enfin, la représentation de la France dans les instances des psychologues européens est posée. En dépit d'efforts considérables, la représentation française dans les instances européennes est de faible poids. Le
manque de visibilité de la myriade d'associations françaises réduit la porté de cette représentation. Cette situation n'est guère satisfaisante.
 

Quelles améliorations de la réglementation ?

Le titre de psychologue est donc légalisé , mais les conditions professionnelles de son exercice ne sont pas partout réglementées de manière cohérente. Ce qui signifie que les statuts professionnels des psychologues différent selon le terrain d'exercice. Par exemple, le statut des psychologues de la fonction publique hospitalière (statut de 1991) diffère de celui des psychologues de la fonction publique territoriale (1 992), qui ne disposent pas du temps FIRE ou tiers temps. Les psychologues de la Police Nationale attendent un statut. Les Psychologues scolaires différent des précédents : ce sont des enseignants...
L'expérience montre aussi les limites des négociations séparées aboutissant à l'élaboration de statuts partiels et cloisonnés. Les statuts peuvent se détériorer d'une rédaction sur l'autre et l'ensemble de la profession peut se trouver paralysée.
Rompre avec cette logique implique une négociation d'ensemble sur la réglementation de la profession de psychologue, c'est-à-dire en reconnaître le niveau de qualification, la spécificité de la compétence,
l'originalité de la fonction et les règles de la déontologie professionnelle. Cette réglementation ne saurait être imposée. Elle implique une large concertation de tous les acteurs concernés. Cette négociation doit s'effectuer au plus haut niveau (interministériel) puisque plusieurs ministères, plusieurs fonctions publiques sont concernées.
 
 
 

Doivent être clarifiés

 1) La publication d'une liste des psychologues.

 2) L'harmonisation et la mise en cohérence des dispositions statutaires des psychologues salariés (Fonctions Publiques et secteur conventionné), s'accompagnant de mesures précises visant à réduire la précarité et à développer des emplois stables.

3) La spécification de l'indépendance technique (examen psychologique, bilan, entretien, exploration, prise en charge etc.) qui relève spécifiquement de cette compétence. Notamment, le choix des outils,techniques et instruments dont les psychologues ont la maîtrise et qui relève en toute indépendance de leur seule responsabilité. Ces dispositions doivent expliciter l'activité du psychologue et contribuer à rendre lisible l'exercice professionnel. L'association forte entre compétence et types d'intervention permet d'échapper au piège de la technicité et au risque de la déqualification.

4) L'explicitation des références au code de déontologie de 1996 afin de définir exactement les devoirs et les responsabilités du psychologue au cours de son exercice professionnel (nature du secret professionnel, degré de partage de ce secret). Ces références doivent être explicitement mentionnées dans les contrats de stage et les contrats de travail.

5) Instaurer les moyens et les lieux d'une concertation entre pouvoirs publics, usagers, universitaires, professionnels dans la santé, l'éducation, l'action sociale, le travail et l'emploi, la justice.

Ces améliorations clarifient les relations avec les métiers voisins. Notamment, lorsque le psychologue partage avec d'autres une compétence particulière. L'ergonome, par exemple, peut être psychologue ou non. On peut concevoir que des problèmes d'orientation scolaires ne relèvent pas exclusivement d'une compétence en psychologie. Les compétences en neuropsychologie peuvent être partagées avec des médecins, des orthophonistes, des rééducateurs ou d'autres encore.Aucune réglementation ne doit et ne peut priver ces autres intervenants de ces compétences partagées, mais elle doit permettre d'identifier celles qui sont spécifiques au psychologue et aussi de définir les responsabilités qui lui sont propres au sein d'une activité collégiale et synergique.

 Lorsque la compétence partagée est psychologique, la situation est plus délicate. Par exemple, les professionnels en neuropsychologie peuvent être d'origines diverses (psychologues, neurologues, orthophonistes, ergothérapeutes) qui tous, à la suite d'une formation spécialisée (théorique et pratique), acquièrent une compétence partagée en matière de diagnostic et de prise en charge. La réglementation ne doit pas priver les non psychologues de cette compétence, mais doit rendre plus lisible l'originalité de l'apport du psychologue à cette mission commune. Comme le souligne le collège des psychologues praticiens spécialisés en neuropsychologie " L'individu étant un tout indivisible, on ne peut dissocier l'affectivité de la cognition. La compétence spécifique du psychologue clinicien spécialisé enneuropsychologie lui permet d'accéder à cette double évaluation : celle des séquellescognitives suite à une atteinte cérébrale, celle de ses retentissements et intrications avec les états émotionnels et affectifs du patient et de sa famille. La formation en psychologie cliniqueet pathologique est indispensable pour effectuer une double lecture et analyse des symptômes et guider leur prise en charge. Lors de lésions cérébrales, les chevauchements entre émotion et cognition sont courants, ainsi faut-il savoir différencier par exemple un trouble de la mémoire organique d'un oubli dans un contexte anxio-dépressif. ".

Néanmoins, dans un certain nombre d'autres situations ces améliorations doivent clarifier les situations en privant le non psychologue de certaines attributions psychologiques que la confusion des genres actuels lui permettait insidieusement d'exercer. Ici, il ne s'agit pas, comme dans l'exemple précédent d'une spécialisation obtenue à la suite d'une formation complémentaire spécifique et reconnue, mais, à l'inverse d'un manque de spécialisation lié au flou de l'exercice qui autorise tout le monde et n'importe qui à " faire de la psychologie ". Ceci est notamment vrai dans le secteur " médico-social " où des pans entiers du secteur social se trouvent maintenant articulés avec le médical qui y exerce généralement un pouvoir décisionnel. Il n'est pas évident que cette subordination soit heureuse, elle est largement contestée et tend à renvoyer le psychologue à son ancien statut d'auxiliaire médical. Défendre le statut, les compétences et les responsabilités du psychologue contribue en fait à défendre l'interdisciplinarité et la collégialité du fonctionnement de ces centres.

C'est aussi vrai de la volonté de certains à faire reconnaître le titre de psychothérapeute indépendamment d'une formation psychologique sur la seule base d'une compétence acquise dans l'exercice de l'acte lui-même. Cette question a déjà été évoquée. Ce serait une erreur d'appuyer la réglementation sur l'exercice lorsqu'elle doit s'appuyer sur la qualification.
 

Quelles formations ?

Si la reconnaissance d'une compétence basée sur la qualification est amenée à jouer un rôle capital dans l'amélioration de la réglementation de la profession, la nature et la durée de la formation universitaire devient un enjeu décisif.
Sous le double effet de la loi sur la protection du titre (1985) et des contraintes fortes que le ministère développait dès 1984 en matière de professionnalisation des formations, la professionnalisation s'est imposée aux Universités. La réforme des second cycles (Licence et Maîtrise) a abouti dans de nombreuses Universités à une structuration marquée par les champs professionnels (santé, enfant, social travail) plutôt que par les sous disciplines (clinique, expérimentale, différentielle etc.). Ce contact avec le monde professionnel apparaît dès la licence, se poursuit en Maîtrise qui, dans de nombreuses Université sont spécialisées (par sous
discipline). L'étudiant peut poursuivre en DESS ou en DEA. Le numerus clausus à l'entrée du DESS effectue plus une régulation des flux qu'une véritable sélection. Les enquêtes répétées que l'AEPU a entreprises sur cette question montrent que le nombre de places offertes dans les DESS équivaut sensiblement au nombre de maîtrises délivrées (aux alentours de 2500).
Une sélection plus précoce est-elle envisageable ? Les praticiens demandent depuis longtemps que les étudiants souhaitant devenir psychologues soient sélectionnés au plus tard à la fin de leur licence sur des critères mixtes (niveaux de connaissance et capacité à questionner une expérience de travail et de stage) afin que l'effectif retenu puisse bénéficier d'un début de réelle professionnalisation en maîtrise (stages mieux encadrés par des praticiens moins surchargés et plus disponibles). Cette disposition suppose une dérogation à la Loi Savary et concernerait le seul titre professionnel délivré par le secteur Lettres de l'Université.
Les projets européens d'harmonisation sont l'occasion d'une relance du débat sur la durée de la formation et les niveaux des diplômes. Plusieurs options sont ouvertes et le débat n'est pas tranché sur cette question.

1) Maintien d'un DESS en 5 années. Option qui comporte les risques évoqués plus haut: retard d'un an sur un standard européen qui serait porté à 6 ans, risque de dissociation du diplôme et de l'attribution du titre, mise en concurrence défavorable de nos étudiants sur le marché européen.

2) Restructurer en 2 ans les DESS. Option qui comporte des avantages et des inconvénients. Dans la colonne avantage on trouve une correspondance avec le standard européen actuellement à l'étude, le maintien de l'association titre et diplôme et la participation institutionnelle des professionnels à la délivrance du diplôme. Dans la colonne désavantage on trouve une dysharmonie avec une formation rythmée sur le bac +5. Dans certains secteurs, l'imposition d'une année supplémentaire avant de rentrer dans la vie professionnelle, risque d'assécher les flux étudiants dans ces filières et de provoquer une certaine résistance des Universités qui ne disposeraient pas de moyens supplémentaires pour former en deux ans des étudiants auparavant formés en un an.

3) Certaines propositions conduisent à proposer la délivrance du titre à partir de l'obtention d'un doctorat d'exercice accompagné d'un internat. Cette proposition repousse très haut le niveau de formation pour devenir psychologue. Certes, elle correspond à la fois à une exigence d'élévation des niveaux combinée au souci de professionnalisation des doctorats. Mais, outre que cette proposition reconstituerait une exception nationale, on peut s'interroger sur la nature des compétences susceptibles de légitimer ce niveau de formation.

A côte de ces options sur la durée, on peut s'interroger sur la nature des contenus de formation. Actuellement, le DEUG a une vocation pluridisciplinaire, et comme il a été dit, des spécialisations relativement précoces peuvent intervenir dès la licence. Il serait urgent de réfléchir aux contenus de formation dans la perspective d'une réduction du caractère cylindrique et cloisonné des différentes sous disciplines. L'exemple de la neuropsychologie est typique de ce point de vue. La formation initiale correspondante implique des composantes cliniques et pathologiques, mais aussi des composantes cognitives, expérimentales et neuroscientifiques. Cette formation s'accommode mal des cloisonnements actuels qui prive l'étudiant d'une partie décisive de ses compétences.

Il semble donc nécessaire de saisir les opportunités actuelles pour mettre en chantier une formation mieux adaptée aux besoins présents et à venir concernant la discipline d'une part et la profession d'autre part.

La multiplication des sites de formation (notamment Université et IUFM) ne constitue pas une solution d'avenir. Elle entretient l'hétérogénéité des formations, la multiplication des diplômes dérogatoires et la diversité des statuts professionnels. Elle aboutit à proposer des solutions partielles, locales et corporatistes qui obscurcissent un paysage qu'il est nécessaire de clarifier. Il faut regrouper la formation dans les Universités afin de garantir le caractère national et cohérent de la qualification qui y est acquise.

Les DESS sanctionnent une formation initiale plus qu'une formation continue. L'acquisition d'une compétence spécifique supplémentaire (par exemple la neuropsychologie) passe souvent par l'obtention d'un DU. La généralisation de ces solutions n'est guère satisfaisante. Les DU sont des diplômes universitaires ne revêtant aucun caractère national (ils ne sont jamais expertisés par des instances nationales qui vérifie les contenus de formation et leur adéquation à une maquette définie nationalement). Il sont payants et différent d'une région à l'autre. Ils ne favorisent pas la mobilité. Cependant, ils constituent la seule formation qualifiante dans le registre de la formation continue.
Les DESS ne sont pas réglementairement restreints à la formation initiale. Ils peuvent, voire même doivent, accueillir des étudiants professionnels dans le cadre de la formation continue. Cependant beaucou d'Université répugnent à cet accueil dans la mesure où certains voient là le moyen pour des non psychologues d'acquérir certaines compétences psychologiques sans disposer pour autant du titre (réservé aux seuls titulaires de la licence et de. la maîtrise de psychologie).

Cette crainte, en l'absence des améliorations de la réglementation actuelle, est fondée, car le psychologue déjà vulnérable risque de perdre définitivement les chances d'une reconnaissance sociale s'il se trouve confronté à des personnes qui " font comme lui " mais dont la position institutionnelle est plus robuste ou hiérarchiquement mieux assurée.
Les DESS se diversifient de plus en plus et forment aujourd'hui une mosaïque complexe qui risque d'aboutir à l'éclatement de cette structure de formation. Les employeurs ont de plus en plus de difficulté à s'y retrouver. D'un côté, cette multiplication est une réponse à l'émergence grandissante de besoins nouveaux. Ces formations spécifiques répondent la plupart du temps à une forte demande locale et régionale. Mais, de l'autre, elle renforce le brouillage déjà évoqué et oblige employeur et pouvoirs publics à faire un tri parmi les DESS délivrés.

Tous les DESS ne donnent pas ipsofacto le titre de Psychologue et même lorsqu'ils le donnent, ils ne permettent pas toujours l'accès de plein droit aux concours de recrutement des différents corps de psychologues des fonctions publiques (Etat, Hospitalière, Territoriale). Les départements compétents au sein des institutions et ministères concernés élaborent par voie d'arrêtés leurs propres règles de recrutement, lesquelles s'avèrent souvent restrictives puisqu'elles correspondent à des profils psychologiques précis.

On pourrait envisager un resserrement des intitulés combiné à une gestion souple d'un système d'options. Cette situation présenterait le double avantage d'alléger les procédures d'habilitation (les modifications concernant les options sont moins lourdes à mettre en place) et de rendre plus lisibles aux employeurs les contenus de la qualification délivrée. Cette solution offrirait un compromis raisonnable entre composante généraliste et composante spécialisée.

Les questions liées à la psychothérapie ouvrent de nouveaux champs d'investigation. Si l'on considère que la formation à la psychothérapie est une formation spécialisée de haut niveau complétant la formation initiale, il faut s'interroger sur la forme que doit prendre cette formation (Doctorat d'Exercice à Bac +8 ?), les sites pouvant la mettre en oeuvre, et les procédures de reconnaissance nationale (Habilitation) en permettant la délivrance. Se posent aussi les problèmes du mode de validation de ces formations complémentaires situées au delà des 5 années standards de formation et de la prise en compte de ces compétences supplémentaires dans les rémunérations.

Il faut donc rouvrir les dossiers et obtenir des pouvoirs publics une négociation interministérielle d'ensemble associant tous les acteurs de la psychologie (formateurs et professionnels) qui souhaitent collaborer à
la mise en place d'une politique globale de formation et de qualification.
 

Quelle organisation ?

Pour atteindre ces objectifs (amélioration de la réglementation, application du code, reconnaissance de la profession, harmonisation européenne, rénovation des formations etc.), la psychologie et la profession
doivent se doter d'un outil efficace, disposant de la confiance des praticiens, des enseignants et des chercheurs, reconnu des pouvoirs publics et des associations européennes, capable, enfin, de parler d'une seule voix et de représenter l'ensemble de la communauté. La construction de cet outil relève de la responsabilité des psychologues, des enseignants - chercheurs et des diverses associations dans lesquelles ils se reconnaissent. Si l'on considère qu'un des déterminants de l'image brouillée est la fragmentation associative, il devient nécessaire et urgent d'agir pour franchir dans ce domaine un pas décisif.
Mais il faut aussi tenir compte de l'histoire associative et des raisons qui ont conduits les divers acteurs de la discipline et de la profession à créer cette diversité d'associations, d'organisations et de syndicats. Ce foisonnement est à l'image de la diversité des psychologues et témoigne aussi de leur volonté pugnace d'obtenir des améliorations réelles de leurs statuts et de leurs conditions de travail. Chaque association a su mobiliser, obtenir la confiance de ses mandants et engager des actions contribuant à défendre les intérêts des psychologues et de la psychologie. Dans une certaine mesure chaque action locale et particulière portait en germe la défense des intérêts généraux de l'ensemble de la profession.
Mais aujourd'hui, l'importance des enjeux évoqués impose de franchir une autre étape. La discipline et la profession sont à la croisée des chemins.

Des tentatives de " sur organisation " ou " d'inter organisations " ont déjà vu le jour auparavant. Le CCOP créé en 1966 ; l'ANOP créée en 1985 ; la réforme statutaire de la SFP créant en 1991 un département des associations professionnelles ; la CIR créée en 1996 et prolongeant l'intense travail d'élaboration du Code rénové. Ces tentatives ont eu des fortunes diverses, mais elles démontrent que l'existence d'une volonté commune focalisée sur des objectifs précis et prévalant sur les intérêts partisans crée une synergie efficace. L'ANOP a permis d'obtenir la publication des décrets (1990, 1991 et 1992) définissant les conditions statutaires de l'application de la Loi de 1985. Les efforts conjoints inter associatifs (AEPU, SFP et ANOP) ont aboutis à la refonte du code de déontologie.

Cependant, cette organisation d'associations conduit aussi à des structures lourdes dont le fonctionnement est lent et pesant. Ce mode de fonctionnement fige les initiatives, paralyse l'innovation et dilue les responsabilités. Par un phénomène d'inversion maligne ces modes, d'organisation stérilisent l'action de ceux-là mêmes qui les ont mis en place pour changer les choses. Cette situation est d'autant plus dommageable que les forces existent, les initiatives fusent et les idées bouillonnent. La profession est tonique et demande des changements majeurs.

C'est dans cet esprit, qu'en mars 2000, un texte était publié à l'initiative de plusieurs personnalités appartenant à diverses associations qui alertaient la communauté sur le danger que constituait la pérennisation de la situation actuelle. Cet appel soulignait l'importance des problèmes de l'application du code, de la formation, de la recherche, de l'emploi et de l'Europe et s'adressait à la communauté pour qu'elle s'interroge sur les moyens organisationnels qu'il convient de mettre en place pour faire face à ces enjeux et faire prévaloir des solutions favorables à la discipline et aux professionnels de la psychologie.

A la suite de cet appel, une première réunion des organisations de psychologue s'est tenue à Paris le 16 décembre 2000. Elle a publié la déclaration suivante :

Déclaration commune

Dans la continuité de l'appel du 5 mars 2000, les organisations signataires réunies le 16.12.00


Premiers signataires :
AEPP, AEPU, AFPS, ANPEC, ARP, Collège des psychologues territoriaux DISS 13, CORHOM, SFP, SNP, autres organisations de l'ANOP.

Cette déclaration est importante. S'y trouve affirmée une volonté de restructuration et de réorganisation. La délicate question concernant de la délégation des compétences et des moyens obtient un accord de principe. Il s'agit bien évidemment d'une question cruciale. D'autres questions essentielles se trouvent toujours en débat. Cette nouvelle organisation prendra-t-elle la forme d'une fédération d'associations conservant chacune leur autonomie et leur indépendance ou bien prendra-t-elle la forme d'une organisation unique à laquelle chacun adhère individuellement ?

C'est à la communauté que revient la responsabilité de trancher et de choisir le mode d'organisation lui convenant le mieux.
 
 

Conclusion

En France, le titre de psychologue est unique. Ce qui signifie qu'il ne comporte pas de mention spécifiant de manière explicite telle ou telle compétence particulière. Il est indissolublement lié à un niveau universitaire de qualification. Les compétences spécifiques peuvent être acquises à l'issue de formations spécialisées. Mais il est nécessaire de comprendre que ce titre unique, parce qu'il repose sur un niveau de qualification, constitue un point d'appui décisif dans la perspective d'une reconnaissance sociale améliorant la réglementation de la profession.
La formation elle aussi est unique. Les maîtrises et les licences sont de psychologie. La mention des spécialités est invisible au Législateur, mais indispensable à l'employeur. Cette correspondance entre l'unité du titre et celle de la formation est nécessaire à préserver et à développer. Ce qui signifie que la discipline doit aussi consolider la réalité du caractère unique de sa formation initiale (réduction des cloisonnements et des filières hermétiques) tout en développant dans les 3èmes cycles les spécialisations conduisant à l'acquisition de compétences plus particulières.
Un titre unique est délivré à l'issue d'une formation unique. L'ensemble se prolonge naturellement dans une profession unique. Encore une fois, cette formule ne fait pas disparaître la diversité des métiers particuliers et des fonctions spécifiques. Elle met seulement en correspondance la réalité d'un titre, d'une formation et d'une profession.
L'ensemble forme un emboîtement harmonieux et équilibré. Il constitue la base sur la quelle se fonde la discipline et la profession.

En 1996, les psychologues et la discipline ont explicité un projet au regard des personnes et de la société : travailler à faire reconnaître et respecter la dimensions psychologique de la personne humaine.

Cet engagement tient au fait que l'inscription sociale croissantes des psychologues leur permet de mesurer les risques accrus à cet égard, mais aussi leurs propres responsabilités.

Cet engagement répond à la demande du Législateur et des pouvoirs publics garants de l'intérêt collectif.

Considérant l'importance des enjeux, si les psychologues ont de leur côté à expliquer, défendre et mettre en oeuvre cette mission au travers des fonctions croissantes qu'ils remplissent, les pouvoirs publics ont eux aussi à agir en cohérence avec leur propre demande de " protection du public des mésusages de la psychologie ".

Si des mesures minimum s'imposent en urgence (liste professionnelle, abandon des dispositions réglementaires dérogatoires), d'autres doivent être abordées (harmonisation des statuts, prise en compte de la déontologie).

Si le titre unique est un point d'appui et la formation unique est un levier que manque t-il pour atteindre les objectifs visés ? une force ! Une force suffisamment puissante pour unir la profession et lui donner les moyens d'atteindre ses objectifs.